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Le photographe qui a capté le côté obscur de l’Amérique

Joel Meyerowitz raconte dans un interview sa rencontre marquante avec Robert Frank. Joel était alors un directeur artistique responsable de produire une publication sur Robert Frank. C’est alors qu’il décida d’observer sans grand intérêt Frank, qu’il ne connaissait aucunement pendant une session de travail. Frank avait 2 jeunes filles qu’il guidait avec peu de mots. Joel se tenait derrière et observait le mouvement du photographe qui suivait le mouvement. En observant le processus, il remarque l’anticipation de Frank et la séquence rythmique de la prise d’image. Le photographe capte des petits moments de révélation, une révélation visuelle. Les petits gestes semblent avoir le potentiel de communiquer une émotion. Joel devine l’instant de la capture de l’image, synchrone aux gestes des 2 filles. Il comprend l’anticipation du photographe, prêt à capter l’énergie humaine exprimée par le mouvement. La caméra transforme le mouvement en une révélation poétique.

C’est son moment de transformation. Joel découvre que le mode est inondé de mouvements, de gestes en attente d’une capture.

Il retourne à son bureau et dit à son patron en arrivant : je quitte mon emploi, je veux devenir photographe.

La photographie imparfaite

Né en Suisse en 1924, Robert Frank a grandi dans une société sur le point d’éclater. Avant son 15e anniversaire, il a vu le krach boursier, la guerre civile espagnole éclater, les Juifs comme son père perdent leur citoyenneté, et les nazis qui envahissent la Pologne. Paradoxalement, la plus grande plainte de Frank comme adolescent était que le pays soit si petit, si calme et si terne qu’il voulait désespérément en sortir.

Alors que Frank avait 17 ans, une opportunité s’est présentée à lui. Un retoucheur photo professionnel du nom de Hermann Segesser vivait à l’étage de la résidence de sa famille. Un jour, l’adolescent lui a rendu visite. « Je veux apprendre ce que vous faites, » a dit Frank.

Segesser a pris Frank sous son aile, lui apprenant à travailler un appareil photo, développer des négatifs, faire des impressions et retoucher des photos. Pendant les cinq années suivantes, Frank a étudié officieusement la photographie avec Segesser et d’autres photographes suisses, construisant un portefeuille de « 40 photos » qu’il espérait être son billet hors de Suisse.

Départ pour l'Amérique

En février 1947, Frank s’embarque pour New York avec son portfolio de photos. Il n’avait pas l’intention de rester longtemps à New York, dit Sarah Greeough dans son livre Looking In. Mais il est tombé amoureux de l’énergie de la ville. « Je n’ai jamais vécu autant de choses en une semaine qu’ici », a-t-il écrit à ses parents. «j 'ai l’impression d’être dans un film. »

La vie ressemblait encore plus à un film quand il a décroché un contrat à titre de photographe à Harper’s Bazaar. À 22 ans, Frank avait déjà réalisé son rêve, il était payé pour prendre des photos. Mais prendre des photos de sacs à main et de ceintures pour la section mode du magazine est rapidement devenu fastidieux.

 

Frank a été frustré de voir le contrôle des éditeurs sur ses photos. La désillusion s’est vite installée. Après seulement un mois, il a donné sa démission

De par le monde

C’est là qu’il commença à errer. Pendant six ans, Frank parcouru le monde, s’arrêtant au Pérou, au Panama, à Paris, à Londres et au Pays de Galles. Il s’est marié. Et il a continué à parfaire son style, en prenant des photos de ce qu’il aimait. La plupart de ses photos étaient légères, douces et romantiques, et il rêvait de les vendre à de grands magazines comme LIFE, écrit Jonathan Day dans son livre Robert Frank’s The Americans: The Art of Documentary Photography.

De retour à New York

Cette fois, la scène qu’il a trouvée à New York était différente. Frank avait un ami suisse, un designer nommé Herbert Matter, qui s’intéressait aux peintres abstraits comme Hans Hofmann, Franz Kline, et Jackson Pollock. Frank était amoureux de leur monde. Son appartement de Greenwich Village se trouvait dans un pays des merveilles, celui des hippies. Il a rencontré des poètes de la génération Beat comme Allen Ginsberg et Gregory Corso ainsi que Walker Evans, qui était célèbre pour ses photographies la Grande Dépression.

Frank prenait des photos à travers tout cela, absorbant tout ce qu’il pouvait de sa nouvelle communauté. Des peintres abstraits, il a appris à embrasser l’ambiguïté et le hasard, à « suivre son intuition, peu importe à quel point fou ou lointain ou à quel point on pouvait se moquait de moi », disait-il. The Beats l’encouragent à traiter la photographie comme un solo de jazz : spontané, cru, ancré dans le moment présent. Plus important encore, les photographes lui ont appris à détester la photographie commerciale.

Les normes de l’époque

Dans les années 1950, les photographies étaient nettes, super nettes et propres. Une photo n’était parfaite que si elle suivait les règles traditionnelles de composition. Les images étaient généralement optimistes, en particulier dans les magazines populaires assurant la promotion du mode de vie américain.

Cette esthétique a atteint son apogée en 1955, lorsque le conservateur de la photographie du Musée d’art moderne, Edward Steichen, a présenté une exposition intitulée « La famille de l’homme ». Un affichage de 503 photographies de plus de 60 pays, il dépeint la grande race humaine comme étant la même partout. Surnommée la « plus grande exposition photographique de tous les temps », la guerre et la pauvreté étaient vues comme des imperfections mineures dans le cours de l’histoire de la race humaine.

Mais Frank, qui avait véçu en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et avait visité les régions les plus pauvres de l’Amérique du Sud, avait connu autre chose. « Je savais que je vivais dans un monde différent, que le monde n’était pas aussi bon que cela, que c’était un mythe que le ciel était bleu partout et que toutes les photographies étaient belles », a dit Frank en 1989.

Bourse de la Fondation Guggenheim

Grâce à une subvention de la Fondation Guggenheim, Frank est parti vers l’ouest en juin 1955. Son réseau d’amis célèbres l’avait aidé à obtenir la subvention, et l’argent dans son portefeuille signifiait qu’il pouvait faire ce qu’il voulait.

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Grand road trip de Robert Frank vers l'Ouest américain

N’ayant nulle part en particulier pour aller, il a conduit. Il dormait dans des hôtels bon marché et commençait chaque matin, où qu’il se trouvait, en prenant son Leica 35mm et en photographiant le bar le plus proche ou le Woolworths.

 

Gardant à l’esprit le mantra d’Allen Ginsberg sur la spontanéité « première pensée, meilleure pensée », il prend deux ou trois photos à chaque endroit et est passe à autre chose. Puis il visitait le bureau de poste, les gares routières et ferroviaires, le cimetière et des magasins bon marcher. Il est allé partout où des étrangers se sont rassemblés et a essayé de se fondre dans la foule. Il parlait rarement aux gens qu’il photographiait.

Le grand voyage de Robert Frank

En documentant les petites choses, Robert Frank a changé l’image d’une nation entière d’elle-même.

 

Les photos dans The Americans de Robert Frank sont si ordinaires que vous pourriez ne pas voir ce qui les rend extraordinaires. Ils montrent des gens qui mangent, s’assoient, conduisent, attendent, et c’est tout. Rarement les sujets regardent la caméra. Quand ils le font, ils semblent agacés. Beaucoup de photos sont floues, granuleuses et tachées d’ombres.

Mais le diable est dans les détails : Ensemble, les images comprennent un portrait sceptique, la vision d’un étranger d’un pays qui était, à l’époque, trop sûr de lui-même.

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Mais le diable est dans les détails : Ensemble, les images comprennent un portrait sceptique, la vision d’un étranger d’un pays qui était, à l’époque, trop sûr de lui-même.

 

Comme le raconte Ginsberg, au moment où un Frank fatigué atteint Detroit, il a écrit à sa femme, Mary, qu’il voulait juste « se coucher n’importe où c’est possible et ne pas penser à des photographies. Puis sa voiture est tombée en panne, et il ne pouvait s’empêcher d’utiliser le temps supplémentaire pour photographier un concert afro-américain, où il a été arrêté pour avoir deux plaques d’immatriculation.

 

Ce n’était pas la dernière fois que Frank a eu des ennuis, surtout quand il a passé plus au sud. À la frontière de l’Arkansas, il a été accosté sans raison particulière par un shérif qui a sorti un chronomètre et lui a donné cinq minutes pour quitter l’État.

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Dans le Mississippi, à Port Gibson, un groupe d’adolescents harcèle Frank, le traitant de communiste. À McGehee, Arkansas, la police de l’État a arrêté sa voiture sur l’autoroute. Lorsque les agents ont regardé par la fenêtre de la voiture, voyant des valises et des caméras — et entendant l’accent étranger de Frank — ils ont soupçonné qu’il était un espion. Ils ont exigé que Frank remette son film, l’emprisonnant brièvement quand il a refusé. Avant sa libération, Frank a dû signer son nom sous la rubrique criminelle. Cela le rendait furieux, et son empathie pour ceux qui étaient traités injustement grandissait. « L’Amérique est un pays intéressant », a-t-il écrit à ses parents. « Il y a beaucoup à voir ici, je n’aime pas tout ce que je voie et je ne l’accepterais jamais. J’essaie de le montrer dans mes photos. »

À l’origine, Frank n’avait pas d’autre but que de photographier les Américains de tous les jours accomplissant des actions quotidiennes. Mais plus il parcourait le sud, plus son viseur tombait sur des gens que le rêve américain avait apparemment oubliés. De plus en plus, il a capté une Amérique que tous savaient qu’elle existe, mais qu’ils préféraient ne pas le voir; il a cherché ce qui avait été oublié et aperçu la lassitude dans les yeux de ses sujets.

 

Peu importe que Frank ait surpris des gens debout autour d’un juke-box ou d’un cercueil, sa caméra a capté le même regard sur le visage de tous les gens. Les gens regardaient de coté, regardaient en haut, regardaient leurs pieds, regardaient partout mais jamais les uns les autres.

 

À Miami Beach, une fille impatiente responsable d’opérer l’ascenseur, coincée en appuyant sur des boutons pour des inconnus toute la journée, regardait dans le vide. À Detroit, les hommes de la classe ouvrière ont mangé à un comptoir à lunch, ignorant leurs voisins et regardant droit en avant. À la Nouvelle-Orléans, un wagon d’un tramway réservé aux noirs passe alors qu’un homme noir avec une expression triste regarde directement dans l’objectif de Frank.

La rencontre avec Jack Kerouac

Par une chaude journée de septembre 1957, Jack Kerouac est installé sur un trottoir de New York à regarder les photos du photographe Robert Frank.

 

Comme Kerouac, qui venait de publier « On the Road », Frank venait de terminer un road trip historique à travers l’Amérique. Il avait conduit de New York à Detroit, à la Nouvelle-Orléans, à Los Angeles, photographiant ainsi la majorité les grandes villes américaines qu’il a visité.

 

Frank voulait produire un livre et désirais inviter Kerouac pour écrire une introduction.

C’est ainsi que les deux se sont rencontrés lors d’une fête, assis sur le trottoir à regarder ensemble ces photos.

 

Couac regardait les images de Frank : il y avait des cow-boys et des voitures, des juke-box, des drapeaux en lambeaux, des cimetières et des cireurs de chaussures, des politiciens et des groupes de prières. Kerouac a été emballé par l’idée. Pour lui, les images étaient plus que la représentation de la véritable Amérique.

 

Frank avec ces photos en noir et blanc avait « capturé la véritable nature du genre humain. »

Il a accepté d’écrire un texte pour l’accompagner. « Ce sera un poème formidable », avait-il dit à Frank. « Tu as l’oeil. »

La collecte des images n’avait pas été facile. Frank avait parcouru plus de 10 000 miles pour capturer ces photos. En cours de route, il a utilisé 767 rouleaux de film et enduré deux séjours en prison. Il savait que les photos étaient bonnes. Mais il n’avait pas imaginé qu’il changerait le cours de la photographie et comment les gens percevaient le pays.

La vision de Robert Frank

L’œuvre de Frank est en contraste direct avec l’humanité souriante de l’exposition de Steichen « La famille de l’homme ». On le compare à Steichen, mais il n’en a pas été irrité, il a même été ému. « J’avais un sentiment de compassion pour les gens dans la rue », a-t-il dit à Dennis Wheeler en 1977. Il voyait la beauté en mettant en évidence la vérité, même si elle était banale, triste ou petite. Il y avait quelque chose de nettement américain, digne d’être célébré, à donner une voix aux sans-voix. Pour les Américains, ces scènes étaient trop ordinaires pour être remarqués.

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Mais les yeux d’un étranger comme Frank ont vu comment ils affectaient et influençaient la vie quotidienne. Les automobiles, surtout. Pour Frank, peu de choses ont défini la vie américaine d’avantage que l’automobile. C’était les endroits pour dormir, manger, voir un film, pour s’amuser, voyage, attendre, faire l’amour, et, pour certains, mourir. Surtout, les voitures étaient un moyen pour les Américains de s’isoler.

Après neuf mois, il avait parcouru plus de 10 000 milles à travers plus de 30 États. Au total, il avait pris 27,000 photographies. Quand il est retourné à New York en 1956, il a réduit ces images à 1,000 tirages grand-format. Il a affiché ces photos sur les murs de son appartement. Après quatre mois, il en avait choisi 83 pour son livre « The Americans ».

Publication du recueil « The Americans » en 1958 en France

Selon Jack Kerouac, Frank avait « tiré (sucked) un poème triste tout droit sorti de l’Amérique sur le film. » Mais les critiques n’étaient pas si accommodantes. Lorsque le volume a été publié pour la première fois à Paris, il n’a guère attiré l’attention. Mais l’édition américaine, publiée en 1959 avec l’introduction de Kerouac, les a énervés. L’essentiel, selon les critiques, c’est que « The Americans » était anti-américain.

 

Minor White l’a décrit comme « une démarche totalement trompeuse ! La dégénérescence d’une nation ! » Bruce Downes dénigre Frank comme un « homme sans joie qui déteste le pays de son adoption » et un « menteur, qui se complait avec perversité dans la misère ». John Durniak l’a appelé une « Image de l’Amérique couverte de verrues. Si c’est l’Amérique, nous devrions la brûler et recommencer. »

« Les Américains », après tout, était le contraire de ce que les lecteurs avaient l’habitude de voir dans le Saturday Evening Post ou un épisode de Leave It to Beaver. Il n’y avait pas de clôtures blanches, pas de tartes aux pommes refroidissant sur les rebords d’une fenêtre. Pas une seule image ne s’inspirerait d’une peinture réconfortante de Norman Rockwell.

 

C’était totalement différent des essais photo superficiels, sains et patriotiques à qui tout le monde était habitué. Aussi idyllique que les critiques croyaient, l’Amérique était aux prises avec des questions inquiétantes : le maccarthysme, la ségrégation, la pauvreté et la guerre froide. L’Amérique était aussi seule qu’elle était grande, et Frank avait su capter des aperçus de tout cela.

 

Comme le message difficile à avaler, les critiques ont choisi d’étouffer le style de Frank. « The Americains » contenaient tout ce qu’un bon photographe était censé éviter. Arthur Goldsmith de Popular Photography l’a qualifié de « faussé par le flou dénué de sens, un grain excessif, une exposition approximative, les horizons penchées et la négligence générale dans la composition».

 

Mais Frank, inspiré par les peintres abstraits qu’il admirait, avait été ambigu par choix, écrit Day. Une nation trouble méritait des photos boiteuses. La composition était aussi instable que le rêve américain. Plus concrètement, le flou, les ombres et les angles étranges encadrent les détails que les techniques traditionnelles de peaufinement ont amené les spectateurs à ignorer.

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Sur une photo, une starlette marche sur un tapis rouge, le visage entièrement flou. Notre regard dérive vers les fans hagards debout derrière les cordes de velours, l’un d’eux se mordant nerveusement les ongles. La technique de Frank a mis en lumière les détails que nous avons tendance à ignorer. Il voyait les gens à la marge comme les véritables vedettes.

Suite au tollé de critiques, le livre a été largement ignoré. Seulement 1,100 exemplaires ont été vendus, ce qui a valu à Frank 817,12 $. Il abandonne la photographie et se lance dans le cinéma (le plus célèbre de ses films est un documentaire sur les Rolling Stones produit en 1972).

The times they are a-changin

La chanson universellement connue de Bob Dylan, The times they are a-changin, est un hymne au changement d’une société qui émerge de la conformité et du règne des règles conventionnelles de la société. Un langage non grammatical en fait la chanson imparfaite idéale, avec un bagage d’émotions fortes et un message percutant.

En 1964, Bob Dylan lance son hymne aux changements sociaux qui commence à émerger dans toute l’Amérique. Les changements sociaux s’accélèrent alors que la résistance à la guerre du Vietnam (1955 – 1975) commence à s’exprimer d’une manière claire. Les mouvements de la défense des Noirs s’organisent.

 

L’émergence d’une nouvelle génération vocale est l’annonce de grands changements dans la société.

A cet égard, le livre de Frank offre une vision nouvelle de la société américaine et son auteur fait œuvre de visionnaire. À la fin des années 1960, les politiciens et les militants s’intéressent à tout ce que Frank avait décrit : discrimination, environnements de travail abrutissants, pauvreté, inégalités, tensions raciales.

L'École de New York

Il influence de manière claire la nouvelle génération de photographes de la cote est, connue comme « L’école de New York ». Les photographes de rue, tels Garry Winogrand et Lee Friedlander s’inspirent de son honnêteté écrasante.

Dans une interview avec NPR en 2009, le légendaire photographe de rue Joel Meyerowitz a déclaré: « c'est la vision qui émanait du livre qui a inspiré non seulement moi-même, mais toute ma génération de photographes. »

 

Aujourd’hui, « The Americans » est régulièrement salué comme le livre de photographie le plus influent du 20ème siècle.

 

Plus important encore, le livre n’est plus perçu comme anti-américain. Ayant grandi sur un continent imprégné de propagande en temps de guerre, Frank aimait la liberté que les États-Unis lui offraient en tant qu’artiste — nulle part ailleurs il n’avait autant de liberté pour expérimenter aussi sauvagement et photographier si honnêtement.

« L’opinion générale consiste souvent en une sorte de critique », disait-il en 1958. « Mais cette forme de critique peut venir de l’amour. » Découvrir le côté laid de l’Amérique était la façon de Frank d’amener la terre qu’il adorait à faire face à ses problèmes et changer. Photographier la vie ordinaire était une manière de communiquer, de célébrer non seulement les petites choses, mais le quotidien des gens. Que peut-on imaginer de plus américain ?

Mot de la fin: la perfection de l'art imparfait

Patti Smith présente la chanson de Bob Dylan's "A Hard Rain's A-Gonna Fall" à la cérémonie de remise des prix Nobel en 2016

Illustration de la photographie imparfaite: la prestation de Patti Smith lors de la cérémonie de remise des prix des Nobels en 2016, à Stocholm. Pour l’occasion, elle a interprété la chanson de Bob Dylan "A Hard Rain's A-Gonna Fall" accompagnée par une seule guitare acoustique. Le bref instant pendant lequel Patti Smith a un trou de mémoire la rend à toute l’auditoire d’autant plus fascinante et profonde. Pour Patti Smith, c’est l’occasion de se reprendre et de livrer une interprétation intense et sincère, ou l’émotion est à fleur de peau. Une performance imparfaite qui livre des émotions appuyées et un lien humain intense.

Joel Meyerowitz, the day I met Robert Frank, Nov 2020, Phaidon

Témoignage de Joel Meyerowitz et l’instant d’illumination pendant lequel il a décidé que l’acte de la photographie deviendrait sa carrière. Son inspiration photographique sera de capter l’instant révélateur d’une émotion, sans trop de considération pour les règles esthétiques.

Publié pour la première fois en France en 1958 et aux États-Unis en 1959 – au milieu de la guerre froide – The Americans de Robert Frank compte parmi les livres de photographie les plus influents du XXe siècle. L’Addison est l’un des quatre seuls musées au monde à posséder un ensemble complet d’images du livre.

 

En 1955–56, une bourse Guggenheim a permis au photographe d’origine suisse de voyager à travers les États-Unisù Son but est de créer un livre qu’il a décrit comme une « étude visuelle d’une civilisation ». Les images sombres et granuleuses de Frank sont l’œuvre d’un étranger qui observe. Il révèle ainsi son ambivalence à l’égard de son pays d’adoption. Les quatre-vingt-trois photographies soigneusement séquencées, éditées à partir de plus de vingt-sept mille, sont la documentation brute d’un pays en transition. Ils célèbrent ses forces en tant que superpuissance émergente tout en révélant les fissures dans le placage d’optimisme et d’opportunité qui ont défini sa culture d’après-guerre. Comme l’écrivait Jack Kerouac dans l’introduction du livre, « Robert Frank, suisse, discret, gentil, avec ce petit appareil photo qu’il lève et prend d’une main. Il a avalé un poème triste tout droit sorti de l’Amérique sur ses pellicules photo.

 

La vision non sentimentale de Frank d’une Amérique moderne qui semblait étonnamment solitaire et disloquée. Cette vision a été initialement contestée par les critiques. Cependant, la beauté honnête et poignante capturée dans ces images et son style distinctement expressif et viscéral ont rapidement été adoptés par les jeunes photographes. C'est plus qu’une révélation d’un moment précis de l’histoire américaine ou un manifeste pour un nouveau style photographique. The Americans est une œuvre de résonance qui sonde les dualités définitives et durables de la vie et de la culture américaines – espoir et désespoir, richesse et désir, liberté et limitation, communauté et isolement. Explorant le fossé entre l’apparence et l’actualité, les idéaux nationaux et la spécificité régionale, le mythe américain et la réalité au niveau de la rue, ces images provocantes et nuancées demandent ce qu’est l’Amérique?

Références

Henri Cartier-Bresson / Highway Cyclorama

https://www.magnumphotos.com/events/event/henri-cartier-bresson-america/

https://www.magnumphotos.com/newsroom/politics/henri-cartier-bresson-america-in-passing/

https://www.henricartierbresson.org/en/expositions/henri-cartier-bresson-walker-evans-2/

Cartier-Bresson a voyagé aux États-Unis en 1935, avec une invitation pour exposer son travail à la galerie Julien Levy de New York, avec les photographes Walker Evans et Manuel Alvarez Bravo. Carmel Snow, directrice du Harper’s Bazaar lui offrit une invitation pour des photos de mode. Le résultat fut décevant car il ne savait pas comment assurer la direction de modèles. Mais Snow publia les photos de Cartier-Bresson dans le magazine. Alors qu’il était à New York, il rencontra le photographe Paul Strand, qui publia The Plow That Broke the Plains, son travail durant la période de la depression.

The man who saw America, New York Times, 2015

Lens Culture, book review, 2008

The shock of Robert Frank’s « The Americas »

L’American West de Richard Avedon: Boyd Fortin

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